ALLOCUTION

 
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ALLOCUTION du Premier ministre, Adrian Năstase, suivie d`un court point de presse, lors de l`ouverture de l`école d`été « La Roumanie du XXIème siècle » organisée par l`Académie d`Etudes Economiques - Bucarest, le 11 juillet 2001



Je suis heureux de me trouver ici, avec vous et de pouvoir aborder des sujets incitants, en fin de compte pour nous tous, parce qu`ils se réfèrent à l`évolution présente de la société roumaine, à son avenir, et à l`affirmation de la société informationnelle.

Il me semble important de nous pencher sur ces aspects-là, parce que, tout comme il est souvent arrivé dans l`histoire du monde, on voit apparaître différents clichés qui, d`une manière ou d`une autre, commencent à offrir un contours de l`organisation du monde, soit son image projetée dans le futur, soit un film de court ou de long métrage pour montrer ce que signifie la dynamique des relations internationales.

Je ne sais pas si vous avez observé que la dénomination de « mondialisation » est apparue après 1989. La mondialisation est un terme, un syntagme utilisé après la chute du communisme et ce qui constituait, en fait, la division du monde en une formule statique, soit sous la forme d`un équilibre des pouvoirs, soit sous la forme de la détente.

Cependant, tout ce qui concerne les relations entre deux camps opposés est devenu, après 1989, en grande mesure, un effort d`expliquer l`invasion des espaces nationaux par les forces économiques. La mondialisation est, en grande mesure, la prédominance de l`économie sur le politique, c`est la dénomination par laquelle nous reconnaissons que les effets économiques transnationaux sont plus forts que les boucliers de souveraineté politique. La mondialisation signifie la reconnaissance de l`apparition de nouveaux acteurs internationaux majeurs, pratiquement, du même niveau que les acteurs classiques, les Etats souverains.

J`ai dit, à un moment donné, que, finalement, la mondialisation était, lors de ses premiers moments, un processus qui pouvait être comparé aux efforts de la découverte du Nouveau Monde, à l`extension impériale ou à l`effort de colonisation, dans des termes économiques de découverte de nouveaux marchés ou de zones dont on pouvait se procurer de nouvelles ressources.

Si vous vous penchez sur l`histoire d`après 1989, vous observerez que, en grande mesure, la chute du mur de Berlin signifia la possibilité d`extension économique de certains pouvoirs sur un territoire qui, initialement, avait été réservé idéologiquement pour une autre zone du monde. Je peux, naturellement, disserter longuement sur ce sujet, mais je ne pense pas que cela vous intéresse car je suppose que, à vrai dire, cette interprétation personnelle, est assez rapprochée de celle que vous faites vous-mêmes.

C`est là le centre où nous fixons la problématique des signes d`interrogation auxquelles nous sommes tenus de trouver des réponses. Comment procéder ? Allons-nous transformer la Roumanie en une parenthèse, une zone autarchique, pour l`isoler de ce champ large de la mondialisation ? Evidemment, il est impossible. Allons-nous élever des barrières économiques, des barrières tarifaires, non tarifaires au plan commercial ? Allons-nous essayer d`arrêter les importations permanentes de force de travail ? Allons-nous essayer de traiter d`une manière raisonnable ce chant de sirène qui attire la force de travail surqualifiée de Roumanie ou d`autres pays ?

Je vous prie d`observer la succession de paradoxes. Avant 1989, pour sortir de Roumanie était nécessaire le visa, on affirmait que l`on ne pouvait pas voyager librement ; après 1989, et probablement, vous ne le saviez pas, pratiquement, l`obligation des visas fut supprimée, personne n`en fait plus mention, parce que cela semble absolument normal et naturel, mais au moment où les citoyens de Roumanie ont ouvert la porte pour franchir les frontières se sont heurtés à un mur. Nous sommes en train de déloger une partie ce mur qui, en fait, est toujours une forme de protection du domaine de la mondialisation, parce que dans ce mur on avait fait une brèche laissant passer uniquement les gens surqualifiés. Pour les programmateurs en informatique on a établi des quotas d`emplois en Allemagne, aux Etats-Unis, au Canada ; l`immigration s`est faite sur ces bases sélectives du point de vue économique et de la compétence. Très bien, mais comment procéder ?

Notre réponse a retardé, sans doute, comme d`ordinaire, mais, finalement, le temps est venu de témoigner de notre capacité de comprendre ce qui se passe et alors nous avons décidé de supprimer les impôts sur les salaires de ceux qui travaillent dans la TI, justement parce que, de cette manière, nous pouvons leur offrir une raison de rester dans le pays afin de construire ici des zones de profit. C`est un exemple de la manière dont nous pouvons essayer de répondre à certaines questions que ce processus de globalisation nous soulève. Ce n`est pas trop simple et, évidemment, nous aurons des problèmes pareils dans tout ce qui tient à nos efforts successifs d`intégration dans l`Union européenne, mais aussi dans un espace économique pus large.

Je passerai maintenant à un thème que je considère, également, très important, notre préparation pour l`intégration européenne.

Cette préparation signifie l`acceptation du fait que dans le cadre de ce partenariat, en vue de la mise en place d`une forme efficace d`action institutionnelle, il est besoin d`un transfert de souveraineté. C`est déjà un thème qui, j`en suis persuadé, les années à venir sera très chaud.

Nous avons entamé ces derniers jours, au moins de point de vue politique, la procédure de révision de la Constitution, afin de rendre compatible la réglementation roumaine avec les réglementations communautaires et, à cet égard, nous devons être bien conscients qu`actuellement nous fonctionnons sur la base de trois niveaux de réglementations : la réglementation nationale, la réglementation communautaire (cette année nous allons traduire 50.000 pages de l`Acquis communautaires, pour vous faire comprendre la dimension de ce processus, qui est gigantesque, et que nous sommes tenus de le rapprocher de nous, afin de le connaître mieux) ; et, enfin, le troisième niveau, celui du droit international. Voilà donc les trois composantes que nous devons respecter. Notre effort de nous préparer pour les évolutions institutionnelles de l`Union européenne concerne y compris la révision de la Constitution.

Je disais qu`à ce propos surgiront toutes sortes de débats, de controverses. Nous serons obligés de voir ce que signifie le transfert de certaines zones de souveraineté qui soient copartagées au niveau de l`Union européenne, lorsque nous en serons membres. Ce sont des questions auxquelles nous ne savons pas encore répondre très bien, parce que le problème essentiel est que durant ce demi-siècle l`Union européenne n`a réussi à se transformer qu`en un acteur régional. L`Union européenne n`est pas encore un acteur global et la principale question, le principal enjeu (dans le texte - ndrl) comme disent les Français est celui de savoir comment passer de cet étage de force régionale à l`étage de la force globale.

C`est pourquoi l`on a soulevé ce sujet extrêmement complexe de la fédéralisation, l`Europe Fédérale, Confédérale, en regard de l`efficacité des Etats-Unis dans la politique mondiale. Il y a, naturellement, des différences majeures d`opinions et jusqu`à ce que l`on aboutisse aux Etats Unis de l`Europe, ce concept utilisé, d`ailleurs, plus amplement durant la période de l`entre-deux-guerres, il y a encore une longue route à faire. A cet égard, l`effort de l`Union européenne de réaliser une forme homogène, cohérente se heurtera à l`intérêt de certains pays candidats souhaitant que leurs obligations soient les plus minces possibles, les moins contraignantes.

Les années à venir seront pour nous extrêmement difficiles, avant tout, parce qu`il y aura un transfert vers la Roumanie, vers les nouveaux pays candidats, de tout ce qui signifie la leçon malheureuse de certaines négociations. Ce sera, d`autre part, difficile, parce qu`il y a des pays qui craignent que par l`arrivée de certains membres on parviendra à un dumping social, il y aura de la force de travail supplémentaire, bon marché, qui soulèvera des problèmes particuliers pour les citoyens des pays membres. Dans le même temps, on suscitera le mécontentement de la part des membres plus récents de l`Union européenne qui, ordinairement, ont reçu des aides massives de la part de l`UE et craignent que cet argent doive être partagé avec les nouveaux candidats.

J`ai ajouté ce second bref chapitre à ma présentation parce que je pense qu`au-delà de la mondialisation, le cercle le plus large, nous attachons une importance extrême aux évolutions dans le cadre de l`Union européenne.

Je vais passer maintenant au troisième et dernier des trois chapitres concentriques, à savoir la Roumanie, à nos évolutions et à ce que nous aurions à faire à l`avenir en nous rapportant au premier cercle extérieur, qui est l`Union européenne, et au second cercle extérieur, celui de l`économie mondialisée. Il est important, avant tout, de renoncer à la naïveté et au romantisme. Nous avons eu dix ans d`expériences ; je pense que nous avons compris que le vide idéologique a été complété rapidement par un pragmatisme qui nous oblige, nous-aussi, à prendre des décisions exclusivement au bénéfice de la société roumaine.

Je crois, également, que nous avons découvert qu`il n`y a pas de solutions pures, il n`y a pas de solutions abstraites, les solutions doivent être rapportées à un certain milieu économique. L`économie roumaine fut une économie rapiécée, qui a fonctionné tant bien que mal et notre problème à nous, à ce moment, est celui de ne pas reproduire machinalement la structure économique et industrielle d`avant 1989, mais de trouver les zones à succès et les portes importantes ouvertes pour notre économie actuelle.

Il est extrêmement important, à la fois, de comprendre que la période de transition a signifié pour nous, en grande mesure, de remettre en place la structure de propriété. La réforme économique ne saurait être instaurée tant que la propriété n`est pas remise dans ses droits. Du point de vue pragmatique, ceci représente pour nous une obligation parce que personne n`investit en une zone confuse du point de vue de la propriété. C`est pourquoi nous avons attaché une importance particulière ces derniers mois à la résolution des questions relevant des immeubles, du fonds foncier. Naturellement, nous pouvons débattre si les solutions sont parfaites, si elles sont bonnes, si elles auraient pu être meilleures. Je ne veux pas mettre sur le tapis cette question, je veux simplement vous faire comprendre pourquoi, de mon point de vue, la résolution des problèmes concrets de propriété représente un pas préalable pour tout effort majeur du point de vue économique, au niveau interne et au niveau externe. Dorénavant nous devons veiller non pas à ce que nous pouvons produire, je ne pense pas que ce soit là notre préoccupation essentielle, mais plutôt à chercher ce que nous pouvons vendre. Avant 1989 nous étions préoccupés en grande partie à produire absolument tout ce qui était possible, des avions aux navires, en passant par les produits agricoles, absolument n`importe quoi. Il est bien évident qu`un tel système ne peut plus fonctionner.

Nous avons construit des avions, mais nous n`avons pas su les vendre et le problème essentiel réside dans le fait que dans le cadre de l`économie mondialisée nous sommes tenus de nous intégrer dans les chaînes internationales de production afin que la vente de nos produits soit assurée. C`est pourquoi la privatisation ne représente pas un objectif en soi, si elle ne mène pas à une baisse du prix de revient par produit la privatisation n`est qu`une modification idéologique sans signification particulière. L`intérêt majeur de la privatisation est non seulement la remise en place des éléments de propriété, mais aussi d`assurer les possibilités de changer le management.

Pour ce qui est du SIDEX, on se demande pourquoi cet intérêt majeur pour ce combinat et certains n`arrivent pas à comprendre pourquoi nous sommes tellement intéressés à privatiser le SIDEX. En fin de compte, le processus technologique y fonctionne bien, les ingénieurs sont très bien préparés, les lignes de production, bien que modernisées d`une manière qui pourrait encore être discutée, fonctionnent quand même bien, mais les pertes ultérieures se rattachent au budget d`Etat. Il y a là une perte quotidienne extrêmement grande et, évidemment, ces pertes sont supportées par toute la société, tandis que les profits se concentrent entre les mains d`un groupe d`exportateurs qui se prêtent à divers jeux spéculatifs sur les segments finals de la production. Le changement de propriété signifiera un nouveau management et un contrôle plus attentifs de ces segments.

A l`heure actuelle il est très difficile à contrôler ces processus, à cause de ces symbioses et complicités existantes dans beaucoup des entreprises d`Etat. Voilà pourquoi la privatisation est très importante, de mon point de vue, notamment sous l`aspect des conditions d`un nouveau type de management.

Pour conclure, car il fait très chaud et j`aurai encore plusieurs entretiens, je tiens à vous dire que nous avons grand besoin que vous vous prépariez pour la période à venir, pour une société qui sera extrêmement différente, une société concurrentielle et qui entraînera, à notre niveau, un changement de générations. Il est bien évident que l`économie d`aujourd`hui est une économie qui repose sur une connaissance extrêmement approfondie des mécanismes économiques très différents de ceux que nous avons vécus.

C`est pour ces raisons que je suis particulièrement heureux de me trouver ici pour saluer l`effort que vous déposez, pour me réjouir que vous réussirez à voyager à travers cette économie mondiale, qui signifie, en fait, un monde plein de chances, mais aussi de dangers et je tiens à vous encourager de la part du Gouvernement vous souhaitant bonne réussite, parce que de votre réussite dépend en grande mesure la réussite de l`économie et de la société roumaines. Et comme nous avons pensé qu`il vous faut de bonnes conditions à l`avenir, tout comme à présent, afin de pouvoir vous reposer un peu, de regarder briller les étoiles et oublier ce qui se passe dans ce monde des forces économiques, j`ai pensé vous faire cadeau, de ma part et de la part du Gouvernement, d`une certaine somme d`argent nécessaire pour passer quelques jours de vacances : il s`agit de trois millions de lei pour chacun, que vous ajouterez à l`argent dont vous disposez encore. (Applaudissements prolongés).

Encore une fois, je vous souhaite bon succès à l`avenir et j`espère que le monde que nous allons construire partiellement ici, chez nous, partiellement dans d`autres zones du monde sera amical avec chacun de nous et que nous réussirons à imposer nos intérêts, nous battant pour les atteindre, tout comme d`autres le font aussi. (Applaudissements).

Je vais donc vous appeler pour vous remettre ce message d`amitié de la part du Gouvernement. A cette occasion je veux faire votre connaissance et établir une relation à long terme avec vous.

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Question : Monsieur le Premier ministre, nombre de ces étudiants envisagent d`émigrer. Que peut faire le Gouvernement de la Roumanie afin d`aider ces jeunes qui sont de bons professionnels et à les garder ?

M. le Premier ministre : Je pense que les choses doivent être considérées d`une manière très équilibrée. A mon sens ce n`est pas mal que les jeunes aillent à l`étranger en tant que boursiers, voire pour y travailler. Au contraire, j`estime que c`est une très bonne chose et ce, pour deux raisons, peut-être même trois. La première en est le fait qu`ils apprennent toutes sortes de choses concernant notamment leur profession, mais pas seulement ça. La deuxième c`est une raison de socialisation, ils apprennent vraiment à travailler dans des équipes internationales et beaucoup d`appels d`offres qui ont lieu présupposent déjà une collaboration dans des équipes internationales. Et la troisième, un très grand nombre en envoient l`argent gagné à la maison. L`année dernière est entré probablement en Roumanie environ - et là je ne suis pas certain que ce soit bien de le dire - environ un milliard de dollars, argent de cette provenance.

Mais cette question doit être traitée d`une manière équilibrée, car il faut réfléchir à ce que l`on doit faire pour que ces gens, qui émigrent et qui ont la possibilité de gagner de l`argent pour eux, n`acquièrent pas un sentiment de rejet envers leur pays, refusant de rentrer. Même s`il y en a qui y restent pour raison de mariage, une situation normale, d`ailleurs, que ce ne soit pas par simple refus de rentrer, mais parce que leur vie a évolué d`une certaine manière. Ils doivent rester liés d`une manière naturelle au pays d`où ils sont partis. En fin de compte ces choses se régleront d`une manière harmonieuse, parce que beaucoup d`entre eux rentrent après une certaine période. Il y en a, par exemple, beaucoup qui étaient partis pour le Canada et qui rentrent. Pourquoi ? Peut-être parce qu`ils n`ont pas réussi à s`adapter, mais ont appris, entre temps, un tas de choses et ils rentrent avec beaucoup d`expérience.

Je ne dirai pas qu`il faille les garder tous ici. Non, parce que ce processus de mondialisation nous pousse, finalement, à accepter ce mode de fonctionnement de type accordéon. Ce qui est important, cependant, c`est que ces émigrations soient faites sur une base ordonnée.

Voilà, par exemple, dans une semaine, je crois que nous allons finaliser avec le Portugal un accord de travail temporaire sans contingent pour ce pays. Jusqu`à présent, il y avait des contingents de 5000, de 8000, de 10.000 personnes. Il est important que ces activités, qui ont une très grande signification au plan personnel, comme au plan familial, se déroulent aussi avec le soutien du Gouvernement, par ces accords bilatéraux, qui sont particulièrement importants, assurant aussi les perspectives de la retraite, donc pas ne travail au noir et ainsi de suite.

Ce que nous pouvons faire est, avant tout, de créer un état d`espoir, l`espoir que les choses vont s`améliorer. Vous êtes des économistes, n`ayant pas peur des données statistiques, tout au contraire, vous devez les juger différemment de l`homme de la rue, or, si, par exemple, la croissance économique les années suivantes est de 4 à 5 % ça veut dire qu`il y a des chances pour que la situation du pays s`améliore. Le mois dernier nous avons eu un taux d`inflation de 1,6% et, peut-être, si nous allons réussir à maintenir ce taux de l`inflation jusqu`à la fin de l`année, ça veut dire que nous pourrions entrer dans une zone de désinflation qui nous mène vers une zone de succès économique.

Si nous allions traiter plus pragmatiquement notre relation avec l`extérieur, si nous allions normaliser certains dossiers, et à résoudre certaines questions du passé, la dette envers la Suède, par exemple, nos relations avec je ne sais quel pays, à organiser notre budget pour l`année prochaine dès cet été, de manière à ce que le Parlement puisse adopter, avant la fin de l`année, le budget pour l`année prochaine, donc si nous allions réussir par ces éléments à entrer dans la normalité, alors tout ce qui concerne notre jeunesse se réglerait d`une manière normale.

Ce que nous voulons, finalement, c`est d`assurer l`égalité des chances, donc qu`au départ tous soient égaux. Si quelqu`un s`est préparé mieux auparavant, normalement, il courra plus vite, ça c`est autre chose. Ce sont les chances qui devraient être égales pour tous au départ, car, naturellement, il y en aura qui travailleront davantage, il y en aura qui resteront davantage dans la bibliothèque, d`autres auront plus de chances par la suite. Tout ceci tient de la destinée de chacun.

Mais je pense que ce que nous devrons faire, nous, en tant que gouvernement, c`est de mettre en place ce climat d`une confiance plus grande et d`écarter certains des obstacles qui, jusqu`à présent, ont été perçus douloureusement par les jeunes et pas seulement par eux.

Question : Monsieur le Premier ministre, je veux vous demander s`il y avait, par exemple, une stratégie qui vise au bien être du peuple et qu`elle est considérée par la presse ou par quelqu`un d`autre une méthode de droite, est-ce que vous la mettriez en ?uvre, si c`est au bénéfice du peuple roumain ?

M. le Premier ministre : Dans l`Europe d`aujourd`hui, dans le monde d`aujourd`hui la dimension idéologique, à mon avis, a changé beaucoup. Avant 1989, il y avait une confrontation idéologique très accentuée.

Après 1989 on est passé très rapidement de Karl Marx au Coca Cola. Les valeurs idéologiques se sont vite et beaucoup modifiées. De ce point de vue, je pense que la droite et la gauche dans l`Europe d`aujourd`hui ne sont plus tellement démarquées comme elles l`étaient probablement durant les anciennes périodes idéologiques, durant la période d`avant la guerre, éventuellement. Observez la manière de la mise en ?uvre du programme de gouvernement en Angleterre, la formule du social-libéralisme, qui, à un moment donné, avait essayé justement une telle synthèse idéologique. Les formules de type travailliste qui, pratiquement, ont essayé de reprendre de la zone économique les thèmes réservés initialement à la droite, car si l`on parle de gauche on pense à la protection sociale et, en parlant de droite, on pense à une certaine approche de l`économie.

Je lisais récemment, quelque chose sur le capitalisme de gauche, toutes sortes de formules qui sont, en fin de compte, des formules syncrétiques, des formules de synthèse ce qui témoigne, à mon avis, en grande mesure, du besoin de pragmatisme.

C`est pourquoi nous, au Gouvernement, partant d`une série de principes et de valeurs que nous avons assumées et que nous avons présentées durant la campagne électorale, nous veillons à atteindre ces repères dans les éléments de base. Voilà, justement aujourd`hui nous avons discuté le besoin de pouvoir diminuer l`année prochaine la TVA pour certains produits, un ou deux, essentiels pour les zones très pauvres. On sait très bien que les plus pauvres consomment davantage de pain, tandis que ceux qui ont de l`argent, ordinairement, évitent de manger du pain. De ce point de vue une TVA réduite pour le pain aura une dimension sociale, mais la question c`est que, au moment où l`on fait une telle chose, si l`on veut rester dans les cadres macro-économiques, et vous le savez aussi bien que moi, il faut s`attaquer immédiatement à une certaine zone de consommation et là, le problème essentiel que nous avons c`est la restructuration de l`administration.

Nous avons énormément de choses à faire, que nous n`avons pas faites. Je peux vous donner beaucoup d`exemples, parce que, pratiquement, chaque jour nous butons contre elles, à partir des grandes régies de l`industrie ou des transports, jusqu`à toutes sortes de structures qui n`ont pas encore été modernisées, en passant par l`Office spécial ou l`Agence pour les désastres, toutes sortes de structures qui, finalement, devront être modernisées.

Cette semaine ou la semaine prochaine nous allons appliquer une mesure impopulaire : on va fixer des normes limitatives pour les téléphones mobiles, pour les téléphones fixes, pour les voitures du domaine public, car vous avez constaté cette folie instaurée à cause de l`absence de contrôle en ce qui concerne l`utilisation de l`argent dans l`administration. Force est de réviser, de modifier ces normes, de manière à ce que l`administration soit beaucoup plus flexible, ce n`est pas un problème spécifique uniquement de la Roumanie, mais de tous les pays en train d`émerger.

De ce point de vue accepter qu`il y a une solution de droite, dont, éventuellement on pourrait puiser certaines idées, ma réponse serait très simple : nous avons eu un gouvernement de droite qui aurait eu à sa disposition, théoriquement, ce genre de solutions et qui malheureusement, voilà, nous a amenés à une baisse du Produit Interne Brut de 12%. Or, les solutions utilisées par ce gouvernement de droite ont été des solutions de gauche. Il est très difficile d`utiliser ce que, à mon avis, ne sont que des stéréotypes. J`aime les idées claires, les solutions efficaces. Du reste, les questions idéologiques tiennent surtout de l`orientation des partis, en dehors de l`administration. L`administration a encore une zone technique qui est, je crois, essentielle pour cette période-ci.

Mais, évidemment, et là je voudrais me faire bien comprendre, j`estime qu`un gouvernement doit assumer les programmes politiques, les valeurs, les principes qu`il a énoncés durant la campagne électorale, mais, au-delà de ces jalons très larges, les solutions techniques doivent être pragmatiques, doivent produire des effets concrets.

Question : Monsieur Varujan Pambuccian nous a parlé de ses projets liés au domaine de la TI. Estimez-vous que la Roumanie a des chances de devenir un compétiteur dans le sud-est de l`Europe ?

M. le Premier ministre : Si le Gouvernement fournit l`argent nécessaire. Il est très facile d`avoir des idées, c`est ce que je veux vous faire comprendre, Je nourris une grande admiration pour M. Pambuccian, d`ailleurs nous avons même travaillé ensemble d`une certaine manière, et j`ai adopté quelques-unes de ses idées. Mais vous devez comprendre que toutes ces solutions, en fin de compte, reposent sur les mesures qui se rapportent à l`argent : donner de l`argent ou exempter du paiement, ce qui signifie, d`une manière ou d`une autre, une certaine influence sur le budget et pour y échapper il faut forcer un cercle vicieux qui existe, car on ne peut pas faire des dépenses si l`on n`a pas de revenus. Par conséquent, au moment où l`on accorde une certaine facilité à quelqu`un qui travaille sur un certain segment, ça veut dire que l`on reste découvert dans le secteur qui aurait dû fournir des revenus utilisables pour des dépenses dans un autre domaine ; il y a toujours un argument à cette stratégie qui, à long terme, produit des effets positifs, mais ceux qui doivent toucher leurs salaires demain, ne peuvent pas retenir leur souffle en attendant cet argent-là, à moyen terme. C`est là le problème essentiel de chaque gouvernement et la difficulté maximale de tout ministre de finances est de gérer cette période intermédiaire jusqu`à l`apparition des effets positifs.

Question : J`ai cru comprendre que dans le Monitorul Oficial (Le Journal Officiel - ndrl) fut publiée la loi concernant la suppression complète des taxes sur le software ?

M. le Premier ministre : Oui, elle a été publiée. Malheureusement les normes d`application ne l`ont pas encore été. J`ai fait vérifier, elles n`ont pas encore été finalisées.

J`ai demandé qu`à la séance de gouvernement de demain soit présentées aussi ces normes d`application. Je ne trouve pas juste que nous donnions une certaine solution et aux niveaux deux, trois, quatre, ces choses soient retardées, voire bloquées, parfois. Je pense que c`est très important. C`est cette voie que nous allons suivre.

Cependant, il y aura ceux de l`industrie telle qui diront : 'Vous savez, notre domaine aussi est très important, pourquoi ne nous accordez-vous pas une exemption totale d`impôts ?' Et dans l`enseignement les professeurs, le plus important investissement, ceux qui forment les futurs programmateurs, est-ce qu`ils ne devraient pas, eux aussi, ne pas payer des impôts ?

Le Gouvernement affirme quand-même catégoriquement : c`est notre politique, c`est comme ça que nous avons décidé. Dans notre politique ce sont les seules issues que nous considérons essentielles. Je pense que tout gouvernement devrait avoir le courage d`affirmer une série de priorités et, quant à nous, nous sommes décidés à le faire.

Question : Est-ce que vous pouvez nous dire quelque chose sur la stratégie des zones défavorisées ?

M. le Premier ministre : De mon point de vue, la seule stratégie correcte serait celle leur suppression. Nous ne pouvons plus continuer de cette manière. Normalement, les zones défavorisées auraient dû permettre à certains des investisseurs internes ou externes de choisir certaines zones et y investir pour créer des emplois. Or, en réalité, beaucoup de ces zones défavorisées ne furent que des portes d`entrées à travers lesquelles différents produits sont entrés en Roumanie sans taxes douanières, notamment la viande. On avait affirmait que l`on y faisait des transformations du produit, mais ce que l`on faisait effectivement c`était tout simplement de trancher en deux la carcasse de porc, pour dire ensuite : 'voilà, on a transformé la viande importée', après quoi, elle était exportée toujours à Bucarest, à Brasov, oui dans d`autres zones.

Au moment où l`on a créé une facilité on est certaine que tout de suite il y aura une pression extraordinaire pour qu`elle soit utilisée pas forcément dans le but pour lequel elle fut conçue.

A mon sens nous aurions dû procéder autrement et dire : nous accordons des facilités pour ceux qui construisent, par exemple, des centres pour la production de programmes ou de hard pour les ordinateurs, dans telle zone ; donc, nous aurions dû leur précisé le thème et quelle zone industrielle ou économique nous voulons soutenir. Nous ne sommes pas intéressés aux fabriques de tours, nous sommes intéressés, par exemple, uniquement les fabriques de téléviseurs et alors ceux qui viendraient ne feront que ce que nous avions décidé. Ou, voilà un autre exemple : il y a en Roumanie une demande terrible d`appareils d`air conditionné. On en achète à foison, mais, en Roumanie il n`y a aucune fabrique qui en produit.

Nous pourrions donc dire ceci : nous accordons des facilités à celui qui construira une fabrique d`appareils d`air conditionné à Vaslui et l`investisseur ne paiera pas de taxes douanières les 20 années à suivre. C`est de cette manière que j`entends faire de la politique et c`est dans mon intérêt d`accorder des facilités non pas à celui qui apporte de la Hongrie de la farine ou de la viande. Pour ça je trouverai bien d`autres moyens.

C`est pourquoi l`histoire des zones défavorisées est assez confuse. Elle se superpose du point de vue législatif aux dispositions concernant les zones libres et les parcs industriels que nous sommes en train de remodeler. C`est une question qui a ses avantages et ses inconvénients. Si elle avait été faite très rigoureusement, elle aurait pu, en effet, créer des avantages. Je tiens à vous dire qu`il y a environ 29 zones défavorisées, dont 22 sont seulement dans la zone de Baia Mare, y compris dans le municipe de Baia Mare. C`est difficile à croire, mais elle fut déclarée zone défavorisée parce que l`ancien ministre des finances de ces années-là était originaire de cette zone-là. Le municipe de Satu Mare, ville voisine, se demande à juste titre, pourquoi ne serait donc pas déclaré lui aussi et ses environs zone défavorisée.

S`il y a des problèmes qui surgissent. il faut, en fin de compte, y trouver des solutions intelligentes.

Excusez-moi, je suis déjà en retard, je dois m`en aller. Je vous remercie !

 

Le Cabinet du Premier Ministre - DAIS
11 juillet 2001