ALLOCUTION

 
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ALLOCUTION du Premier ministre, Adrian Năstase, à l'occasion de la visite officielle en Roumanie du Premier ministre français, Lionel Jospin - Bucarest, le 23 juillet 2001

Monsieur le Premier ministre,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,

Est-il besoin de dire à quel point la présence du Premier ministre de la République Française parmi nous constitue, pour notre Gouvernement, pour notre pays, à la fois un grand honneur et un motif de satisfaction?

Pour le Gouvernement que j?ai l?honneur de présider depuis déjà six mois, il s?agit de la visite officielle d?un Chef de Gouvernement et, qui plus est, non seulement celui d?un pays ami - “ami de toujours” serais-je tenté de dire - de la Roumanie mais encore de l?un des membres les plus éminents des Institutions - Alliance ou Fédération d?Etats-nations - qui configurent cet espace euro-atlantique auquel nous appartenons de coeur et auquel nous aspirons à nous intégrer pleinement, formellement, dès que possible. Pour mon pays, le fait que votre Gouvernement, Monsieur le Premier ministre, soit précisement celui de la France, “Nation-phare” et point de repère obligé depuis que la Roumanie existe en tant qu?Etat moderne et qui ne lui a jamais ménagé son aide et son appui sur la scène internationale, apparaît comme une évidence logique, mais dont la valeur de symbole n?échappera à personne.

Sans vouloir paraphraser George Orwell - que l?apparition des nouvelles technologies “globales” nous rend plus actuels que jamais ? - je dirais toutefois que, s?il est vrai que tous les pays démocratiques, c?est- à-dire ceux qui partagent le même système de valeurs, doivent, en politique, être considérés comme “égaux”, il n?empêche que, pour la Roumanie, la France a toujours été, reste et restera toujours “plus égale que les autres”?

Ceci dit, - mais, n?y a-t-il pas une expression bien française selon laquelle “cela va sans dire, mais cela va encore mieux en le dissant”? - vous arrivez, cher Monsieur Jospin, à un moment crucial pour mon pays. En effet, après une année 2000 de croissance faible, qui a freiné la progression vers ses objectifs essentiels, mais qui a vu également une nouvelle alternance à la direction du pays, ce qui consolide son système démocratique et lui permet de regarder avec confiance vers l?avenir, la Roumanie a enfin renoué avec la croissance économique, qui a atteint 4,5 pour cent les six premiers mois de cette année.

J?ai dit que votre venue se situait, pour nous, à un moment “crucial” (mais quel moment n?est pas “crucial” pour un pays émergeant, ou plutôt, re- émergeant, comme le nôtre?). En effet, depuis les événements de décembre 1989, l?ambition de la Roumanie, une fois libérée de la dictature, n?a-t-elle pas été (comme pour la petite marionette de Gepetto, qui aspirait à devenir “un petit garçon comme les autres”), de devenir, de redevenir, “un pays comme les autres”? or, on peut raisonnablement prétendre que ce moment est aujourd?hui dépassé. Certes, une démocratie n?est jamais parfaite; les médias nous le confirment tous les jours, même lorsqu?il s?agit de démocraties de vieille tradition? Cela est d?autant plus vrai pour des démocraties plus jeunes, comme la nôtre, et nous sommes tout- à-fait conscient de l?ampleur des efforts qui nous restent à faire pour atteindre les standards qui nous donnent le droit d?occuper notre place “naturelle” sur l?échiquier international. C?est justement sur cette forte croyance que se fondent nos espoirs liés à la conclusion des négociations d?adhésion afin que la Roumanie puisse joindre l?Union Européenne dans les délais impartis.

C?est justement sur cette forte croyance que se fondent nos espoirs liés à l?invitation d?adhésion de la Roumanie à l?Alliance Nord-Atlantique, à Prague, en 2002.

C?est avec cette même forte croyance que nos espoirs les plus profonds vont de pair avec le soutien généreux du peuple français. Puisque la France nous a déjà beaucoup donné et c?est peut-être pourquoi, en ce moment que j?ai qualifié de “crucial”, nous nous tournons vers elle pour lui demander plus encore.

Monsieur le Premier ministre,

Contrairement à ce que disait - paraît-il - Cromwell, à savoir qu? ”on n?arrive jamais aussi loin que lorsqu?on ne sait pas où l?on va”, la Roumanie, elle, sait bien où elle va. Ses choix en politique internationale sont clairs, logiques, dépourvus de toute amiguité, irréversibles. Ils peuvent se résumer en un mot: l?Occident. Nous savons tous combien une bonne coopération est essentielle dans les relations internationales ou transnationales. Et coopérer veut dire, à la fois, donner et recevoir. La Roumanie, pays latin le plus étendu et le plus peuplé de cette région, qui vit en harmonie et en bonne entente avec tous ses voisins et qui respecte les droits de ses minorités, a - faut-il le dire? - de grands besoins, et elle attend beaucoup de la communauté internationale, de l?Union Européenne, de ses autres alliés et, je l?ai dit, de la France en premier lieu. Consciente de ses responsabilités, de sa position et de sa valeur géo-stratégique, de ses potentialités, de son aptitude à assurer à ses alliés un large espace de stabilité et de sécurité démocratique, elle s?affirme comme un partenaire solidaire, loyale, solide et fiable, situé par son histoire et sa géographie en première ligne de cette région troublée et agitée du Sud-Est européen dont les soubresauts sont lourds de menaces pour nous tous.

Comme disait notre illustre compatriote Nicolae Titulescu “ Tout Roumain porte la France en lui. Quand on travaille avec les Français, on a l?impression de travailler avec des Roumains. Tout ce qui affecte la France, affecte à tel degré la Roumanie, que l?âme roumaine vibre pour tout ce qui est français. La gloire française fait partie de notre gloire nationale. L?identité d?intérêts et l?identité de conceptions déterminent l?identité d?action entre la Roumanie et la France”.

Qu?il me soit permis d?estimer à mon tour, Monsieur le Premier ministre, que l?heure de cette action conjointe est venue. C?est l?heure de notre Parteneriat à l?Europe.

Je lève mon verre pour la coopération amicale entre la Roumanie et la France, pour la prospérité de nos peuples, à votre santé, Monsieur le Premier ministre, à celle des membres de la délégation française et à tous ceux présents.

Vous voyez bien, Monsieur le Premier ministre, chers amis, que la Roumanie sait parfaitement “où elle va”. Et il n?est que logique - “normal” pourrait-on dire - que, mettant à profit la présence faste de Monsieur Lionel Jospin parmi nous, elle demande une fois de plus à la France de l?aider à arriver à bon port?.

Merci de votre attention!

 

Le Cabinet du Premier Ministre - DAIS
23 juillet 2001