DÉCLARATION DE PRESSE

 
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DÉCLARATION DE PRESSE DU PREMIER MINISTRE ADRIAN NĂSTASE - Palatul Victoriei, 21. 06. 2001



Mesdames et Messieurs,

J`ai tenu à donner cette conférence de presse afin de vous présenter le point de vue du Gouvernement, adopté à la suite d`une discussion que nous avons eue dans le cadre de la séance de gouvernement de cet après-midi.

Je considère qu`il est très important de vous faire connaître, d`une manière non-équivoque notre point de vue au sujet de l`adoption par le Parlement hongrois de la Loi concernant les Magyars vivant en dehors des frontières hongroises.

Je veux commencer par vous dire très clairement qu`entre les intérêts de la Roumanie et notre collaboration, dans certaines formes, avec l`UDMR, le Gouvernement choisit, catégoriquement, les intérêts du pays. Par conséquent, vous ne devez pas être surpris du fait que notre position sera très tranchante à cet égard, comme elle le fut toujours.

Sous l`aspect du fond de la question, les choses sont très simples : dans un monde qui se dirige vers l`intégration, dans un siècle où l`accent est mis sur la non-discrimination ethnique, le Gouvernement hongrois, pour des raisons que nous ne comprenons pas, met en évidence les questions ethniques, la séparation, soutenant des valeurs qui n`ont aucune liaison avec les valeurs européennes ; ce sont, en grande mesure, des valeurs du XIXème siècle, nombre d`entre elles liées à des frustrations du domaine du révisionnisme. C`est pourquoi le Gouvernement hongrois n`a pas su convaincre l`Union européenne d`accepter ce genre de réglementation et, par conséquent, fut obligé d`enlever l`Autriche, membre de l`Union européenne, de la liste des pays de la mise en application de cette loi.

Dans ces conditions, il me semble inadmissible que le Premier ministre Orban nous parle, à nous, de ces valeurs et de la manière de nous rapporter aux valeurs de l`Europe d`aujourd`hui. Le Gouvernement hongrois a choisi un instrument électoral qui n`a rien à voir avec les principes d`une Europe unie.

Notre Gouvernement a essayé à plusieurs reprises de présenter ses observations, qui ont été transmises à l`Exécutif de Budapest. Malheureusement, le projet de loi, tel qu`il fut approuvé, ne tient pas compte de nos observations. Les dispositions de la loi mettent en place un régime discriminatoire entre les personnes appartenant à la minorité hongroise de Roumanie et les personnes appartenant à la majorité, tout comme il instaure aussi un même régime dans les autres pays où ce régime est censé s`appliquer. Ces dispositions sont contraires au Traité politique de base de 1996, conclu entre la Roumanie et la Hongrie, ainsi qu`aux documents internationaux en la matière. Pour ce qui est des réglementations, notamment l`octroi de légitimations de magyar, elles ont évidemment, une application extra-territoriale, visant les territoires des Etats voisins de la Hongrie, notamment la Roumanie.

Je voudrais souligner, également, qu`à la suite de l`adoption et de l`application de la Loi, il y aurait le risque de la modification artificielle du taux de la population d`ethnie magyare de Roumanie.

Par l`offre de toutes sortes de sucreries, de berlingots de type économique, social, de différents avantages, pratiquement on encourage un certain genre de manifestation ethnique, ce qui, naturellement, n`est pas sans nous déranger. De l`analyse du texte de la Loi, tel qu`il fut approuvé par le Parlement hongrois, il en résulte qu`à la suite des amendements qui lui furent faits, on n`a pas modifié essentiellement cette loi. On y maintient, pratiquement toutes dispositions signalées par la partie roumaine, tant en ce qui concerne l`application extra-territoriale de la loi, que les aspects liés au domaine du travail, de la sécurité sociale, des domaines de l`éducation et de l`enseignement, des finances et d`autres que je ne mentionne plus.

Je veux affirmer très clairement : cette loi ne sera pas appliquée sur le territoire de la Roumanie. Les modalités que nous envisageons de mettre en place à cet égard iront des questions tenant aux fondations et aux associations et, si besoin est, nous introduirons des éléments qui établissent très clairement ce que peuvent faire ces institutions sur le territoire de la Roumanie. D`autre part, nous allons examiner les problèmes des taxes et des impôts, nous allons analyser les questions tenant au domaine du travail et de la sécurité sociale. Si le cas se présente, nous allons suspendre ou dénoncer certains accords bilatéraux.

Depuis peu, nous avons approuvé un accord concernant les ouvriers saisonniers : il s`agit d`un contingent de 8000 personnes qui pourraient travailler en Hongrie. Or, ces personnes pouvaient le faire quelle que soit leur origine ethnique, parce qu`il s`agissait d`un accord entre l`Etat roumain et l`Etat hongrois. Si les règles du jeu sont changées, forcément nous devrons modifier certaines des réglementations bilatérales.

Il faudra, également, réviser la loi du non-cumul des pensions et de l`aide au chômage avec d`autres revenus, aux cas où ceux-ci seraient obtenus en dehors de nos frontières. Il y a de nombreux aspects techniques que mes collègues, les membres du cabinet, analyseront en vertu des instructions que j`ai données dans la séance d`aujourd`hui.

Je voudrais qu`il n`y ait pas de méprise : la Roumanie n`est pas une zone coloniale dont la Hongrie amène la force de travail. La Roumanie a des accords d`association avec l`Union européenne, or, les dispositions de cette loi ne tiennent pas compte non plus de l`acquis communautaire, qui exige l`application de la règle de non-discrimination ethnique également dans les relations entre la Hongrie et la Roumanie et, par conséquent, cette réglementation, qui est inacceptable pour l`Autriche, doit avoir le même régime dans les relations avec la Roumanie.

Les ministères qui ont des compétences dans les domaines concernés vont analyser d`une manière urgente cette situation et vont faire des propositions avant le 1er juillet, pour des actions concrètes. Nous avons décidé l`instauration d`un groupe de travail, un groupe de suivi interdépartemental, qui veillera aux évolutions politiques et établira, finalement, les mesures à prendre qui seront proposées au Gouvernement.

Je veux, également, vous faire connaître que j`ai envoyé une lettre à M. Romano Prodi, le président de la Commission européenne, pour lui exposer notre position, une autre lettre à M. Günter Verheugen, le commissaire pour l`élargissement. J`ai, également, signalé ces aspects, y compris les risques pour la stabilité zonale, à M. Chris Patton, le commissaire pour les relations externes de l`UE et, enfin, j`en ai informé M. Labergola, le président de la Commission de Venise pour la démocratie par le droit, parce que nous estimons à juste titre que les valeurs qui sont promues par cette loi sont contraires à l`esprit européen et aux valeurs de la démocratie européenne.

Au début de la semaine prochaine j`inviterai les ambassadeurs de l`Union européenne à Bucarest pour leur présenter le point de vue du Gouvernement à cet égard. Je tiens aussi à vous faire savoir que nous allons analyser, conjointement avec nos collègues des groupes parlementaires la modalité dont le Parlement pourra être saisi au sujet de cette loi, afin que soit attentivement analysée, au niveau des commissions juridiques, la compatibilité de ces réglementations avec la législation de la Roumanie.

Voilà donc les aspects que j`ai voulu vous présenter et, s`il y a des questions, je vais essayer de vous répondre très rapidement.

Question : Dans quelle mesure cette loi affecte-t-elle les relations diplomatiques bilatérales roumano-hongroises ?

Le Premier ministre : Ce sont ces relations-là qui, avant tout, seront profondément affectées. Le Gouvernement hongrois doit savoir clairement qu`il y a certaines choses qu`il ne peut pas faire et, avant tout, il ne peut réglementer ou prendre des décisions pour la Roumanie. Au moment où l`on ferait cela, passant outre ce qui est convenu dans le traité bilatéral, on entre inévitablement en conflit avec le Gouvernement roumain, avec le Parlement roumain. Les choses sont très simples.

Je ne pense pas qu`ils aient trop prêté attention à notre avis, bien que, formellement, l`on ait eu quelques soi-disantes consultations. Nous avons le devoir de sauvegarder nos intérêts et nous le ferons. Et nous avons de notre côté une certaine évolution européenne, dans le cadre de laquelle la Hongrie est, paradoxalement, complètement isolée maintenant pour soutenir un point de vue qui tient plutôt du XIXème siècle et en aucun cas du XXIème siècle.

Au moment où nous cherchons tous à assurer une uniformisation de l`espace européen, lorsque l`accent est mis sur la non-discrimination en ce qui concerne la religion, l`idéologie, l`ethnie, le sexe, la Hongrie vient avec un nouveau point de vue, qu`on avait essayé encore à accréditer, à un moment donné, dans l`histoire. Or, quant à nous, cette approche est inadmissible. En Hongrie nous ne pouvons pas nous ingérer, car c`est le droit du Gouvernement, du Parlement hongrois de prendre des décisions, tout comme, en aucun cas, ces institutions-là ne le feront pour la Roumanie.

Dans le même temps, je pense que nous avons le devoir de faire connaître plus amplement, au plan international, cette tendance impériale, que nous n`acceptons pas et estimons qu`elle ne peut nullement être acceptée.

Deuxièmement, il est difficile d`expliquer pourquoi, dans une formule à vocation générale, qui devrait concerner aussi les Magyars des Etats Unis, de France, d`Allemagne et d`autres pays, on en est parvenu seulement aux Magyars d`Autriche, de Roumanie, de Slovaquie, de Serbie et, en fin de compte, on a renoncé aussi aux Magyars d`Autriche. Finalement, cette loi aurait pu être très clairement exprimée avec la précision qu`elle vise expressément les Magyars de Roumanie.

De notre point de vue cette loi extra-territoriale ne peut pas être acceptée par le Gouvernement de la Roumanie.

Au sujet de la seconde question, l`UDMR se trouve dans une situation bien délicate. D`un part, il y a des tensions internes, il y a, d`autre part, des pressions venues par différents canaux de Budapest. Certains partis de Budapest font du lobbying pour soutenir un certain groupement de l`UDMR, d`autres veulent un autre genre d`approche. Il y en a qui souhaitent que l`UDMR participe au gouvernement, d`autres sont d`avis qu`elle n`ait aucune collaboration avec le parti du gouvernement.

Force est de comprendre ces choses et y veiller très attentivement. On ne peut pas les considérer d`une manière superficielle, car il y a un certain enjeu dans les relations entre l`UDMR, les groupements de l`UDMR et les partis politiques de la Hongrie. Cependant, ce qui doit être très clair c`est que nous avons collaboré et collaborons avec l`UDMR jusqu`à la limite où cette collaboration peut porter atteint à l`intérêt national.

Question : Qu`est-ce que vous pouvez nous dire au sujet de la lettre envoyée au commissaire européen concernant les risques sur la stabilité zonale ?

Le Premier ministre : Pour le moment rien ne s`est passé. Simplement une loi fut adoptée en Hongrie, c`est tout. Il reste à voir si elle sera appliquée, oui ou non, en Roumanie. Je vous dis que non et l`on verra après ce qui s`ensuivra, l`année prochaine, quand la loi est censée s`appliquer. Jusque là, il y a encore du temps et l`on verra bien.

Questions : Avez-vous réfléchi à ce qu`en pensent les Magyars de Roumanie ?
Dans la séance d`aujourd`hui allez-vous discuter la majoration des tarifs de l`énergie électrique et thermique ?

Le Premier ministre : Je vais vous répondre sur le champ à la seconde question : Je ne sais pas, on verra bien. Cette question viendra parmi les dernières, quand on passera aux problèmes courants et l`on verra s`il faut prendre à cet égard une décision ou laisser cette question à la charge du ministre des industries.

Revenant à la première question, j`ai mentionné l`aspect de stabilité zonale, parce que la zone sud-est européenne a souffert justement à cause des questions ethniques. Les conflits du Kosovo, ceux de Macédoine, des Balkans, en général, ont été générés notamment par cette surenchère des préoccupations ethniques. Or, la loi hongroise met l`accent justement sur ces questions ethniques et nous voulons attirer l`attention sur cette approche qui n`est pas de l`esprit de notre temps et qui peut faire surgir, comme on peut facilement le constater, certaines tensions dans la zone.

C`est donc une question qu`il faut signaler à temps en vue d`y réfléchir, sinon pour prendre des décisions.

D`ailleurs, si on demandait aux représentants des médias, maintenant s`ils voulaient oui ou non voyager par le train ou prendre le tram gratuitement, aller gratuitement au théâtre, je pense que la réponse serait, aussi, unanimement positive. La question devient préoccupante si l`on essaie d`utiliser cette méthode en tant que manipulation masquée dans les relations entre les Etats.

Donc conformément aux documents internationaux, chaque Etat a la responsabilité de traiter ses citoyens d`une manière égale, aux niveau économique et social possibles dans le pays respectif. Si une personne de Roumanie veut se rendre au Canada, afin d`y gagner davantage ou en Australie ou en Autriche, elle dépose une demande d`émigration et s`y rend si elle est mécontente du régime général de notre pays. Mais nous ne pouvons pas permettre l`implantation de la catégorie des citoyens 'part time', c`est à dire des citoyens qui seront hongrois trois mois, pour qu`ils reviennent résider le reste de l`année en Roumanie. Ce n`est pas admissible, nulle part dans le monde.

Et, du point des réglementations internationales, l`important c`est d`assurer l`identité culturelle, linguistique, religieuse. La protection pour les minorités vise donc ces trois domaines-là et non pas le domaine économique, ni le domaine social, parce qu`ici tous les citoyens sont égaux. On ne peut pas offrir un salaire plus grand à un employé de Mediafax, un exemple à tout hasard, parce qu`il est Magyar. Dans ce domaine on n`admet pas la discrimination et toutes les réglementations internationales parlent de la suppression des discriminations basées sur des critères ethniques. Je répète, en ce qui concerne les aspects d`identité culturelle, naturellement, ils doivent mener au maintien de cette spécificité.

Question : Est-ce que les députés ont rejeté la disposition qui interdisait au roi Michel de rentrer en Roumanie ?

Le Premier ministre : Oui, hier on en a décidé ainsi ; en fait, je pense qu`il y avait eu auparavant une méprise. Donc je suis catégorique : la loi vise aussi le statut de l`ancien souverain.

Question : Est-ce que les mesures de réponse à la loi hongroise pourront limiter la libre circulation de ceux qui veulent travailler à l`étranger?

Le Premier ministre : La question ne se pose pas de cette manière. La Roumanie est un pays libre, chacun peut s`en aller, cinq ans on peut partir sans visas de Roumanie, pour revenir tous les cinq ans renouveler les passeports. Donc il n`y aucun problème, ni pour vous ni pour quelqu`un d`autre. Nous sommes un pays libre. Il y en a même qui veulent nous renvoyer les concitoyens qui sont partis de Roumanie, vous n`êtes pas sans le savoir. Donc, de ce côté-là, tout va bien.

Le problème surgit au moment où sont mis en place des statuts ethniques. Parce que vous, n`étant pas Magyar, si voulez aller en Hongrie et faire la même chose que ceux que sont censés recevoir les légitimations, vous ne pourrez pas le faire. Or, ceci n`est pas juste.

Question : Est-ce que l`on pet prendre des mesures de réponse au cas où cette loi se mettrait en application ?

Le Premier ministre : Naturellement. Nous avons des recettes à cet égard : les aspects financiers ; nous analyserons immédiatement ce qu`il en est avec l`accord de la suppression de la double imposition, nous introduisons un certain type de taxes, Mihai Tănăsescu, le ministre des Finances, nous dira tout de suite ce qu`il faut faire. Donc, ne vous en faites pas, il y a un tas de solutions.

Question : Au sujet de la loi concernant les dédommagements du FNI, qu`est-ce que vous pouvez nous dire ?

Le Premier ministre : Dans une demi-heure M. Şerban Mihăilescu viendra vous dire quelques mots sur cette loi ; sera présent aussi M. Ilie Sârbu pour vous mettre au courant des modifications à la Loi 1.

De toute façon, je veux vous dire que le projet de loi a été approuvé en ce qui concerne le FNI et a été envoyé au Parlement ou bien il est en train d`y être envoyé. Mais les détails vous seront fournis par M. Mihăilescut tout de suite.

Question : Est-ce que vous envisagez envoyer des notes de protestation ?

Le Premier ministre : Non, je vous ai expliqué que nous n`allons pas nous mettre pas en colère. Nous voulons agir d`une manière tout à fait civilisée, sur la base de nos droits et de nos intérêts. Nous faisons des observations, nous envoyons des lettres polies, nous montrons ce que nous estimons être en désaccord avec les réglementations internationales. Il ne s`agit donc pas de notes de protestations. Nous ne faisons que mettre en exergue ce qui outrepasse, estimons-nous, les dispositions des accords bilatéraux ou internationaux.

Question : Lorsque vous avez affirmé que 'nous irons jusqu`à suspendre ou dénoncer les accords bilatéraux?' vous avez pensé aussi à celui de 1996 ?

Le Premier ministre : Non, à mon avis, ce, traité-là est exceptionnel et je l`ai même évoqué, soulignant qu`il est, pratiquement, violé par cette loi.

Je pense donc qu`il est important qu`il soit respecté dans toutes ses coordonnées et j`espère que ce soit ainsi, par une collaboration que nous puissions entamer avec le Gouvernement hongrois.

Je saisis cette occasion pour vous inviter demain, à 11,00 heures à une coupe de champagne, non pas pour cette loi, mais pour un événement que, personnellement, je considère intéressant.

Je vous remercie !

 

Le Cabinet du Premier Ministre, DAIS
21 juin 2001